EXTRAIT Vandana Shiva - Pour une désobéissance créatrice

L'extraction minière - en Inde ou ailleurs - n'est-elle pas une source de création, d'emploi et de développement, comme le dit le gouvernement indien ?


Le mot "emploi" est très malin. Cela signifie que quelqu'un vous donne un travail. Mais en Inde les gens sont autonomes et s'emploient eux-mêmes. Les populations tribales qui vivent de la terre ne sont pas au chômage : 75% des indiens cultivent et travaillent donc pour leur propre compte. Si on laisse PepsiCo se développer et faire des contrats aux fermiers, pour 5000 d'entre eux qui en auront signé un, des millions auront perdu la source de leur subsistance. Donc nous ne devons plus parler en termes d'emplois, mais en termes de travail créatif. Cette vision, qui ignore les petits fermiers pour favoriser les entreprises et leurs "emplois", conduit également à la privatisation des ressources au profit des sociétés. C'est exactement ce que préconise la Banque mondiale lorsqu'elle recommande la création d'un marché de l'eau en Inde sous la forme de quotas négociables. Ce type de mécanisme conduit à favoriser le "meilleur offreur" et prive les petits paysans de leur eau pour l'attribuer aux exploitations intensives - plus riches - et aux multinationales. Celles-là peuvent utiliser l'eau sans compter puisqu'elle ne souffre pas de l'épuisement de la ressource et trouveront toujours des droits à acheter. Cela conduit à la destruction du tissu paysan et à des catastrophes sociales, comme le montre le cas de la Somalie, où la privatisation de l'eau fait partie des éléments qui ont plongé ces pays dans une crise profonde au nom de la liberté d'entreprendre : la privatisation de l'accès à l'eau était basée sur l'affirmation qu'aucune limite écologique ou sociale ne devait entraver son usage.

Mais il y'a pire : les ultralibéraux, pour qui l'écologie ne doit pas freiner la privatisation, n'hésitent pas à évoquer la défense de l'environnement pour s'emparer des ressources. L'accaparement de l'eau ou des terres est malheureusement souvent justifié par des prétextes verts : la Banque mondiale affirme par exemple qu'en l'absence de titres de propriété ou de droits négociables, les fermiers négligent leurs terres. En d'autres termes, les paysans sont soupçonnés de maltraiter leurs terres parce qu'elles ne sont pas officiellement leur propriété : ils renoncerait par exemple à adopter des mesures à long terme, tel que soigner la fertilité des sols. En réalité, c'est exactement l'inverse qui se vérifie sur le terrain. Les meilleurs exemples d'enrichissement et de préservation des sols - les cultures himalayennes en terrasse, par exemple - se basent précisément sur la confiance des communautés dans la pérennité de leurs droits coutumiers : protégés depuis des générations de toute menace de perdre leurs terres, les paysans œuvrent dans une perspective à long terme. En somme, la privatisation des ressources pré-suppose qu'attribuer un prix donne de la valeur. Mais toutes les ONG qui se battent contre l’accaparement des terres ou de l'eau demandent au contraire un droit inaliénable d'accès aux ressources et aux biens communs.

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