Being a guest...

   Janina se retourne et cale son coude contre mon ventre, ma position foetus lui offre un angle confortable pour venir s'y lover. Elle a une petite frimousse de celle dont on ne se lasserait pas de regarder. Elle porte une tunique lilas et un pantalon jaune moutarde dont la couleur est rappelée par le liserais de ses manches. Deux petites nattes recourbées et attachées par des rubans violets encadrent son visage couleur chocolat, la paix règne dans son sommeil. Le ventilo souffle au max et envoie balader quelques moustiques somnambules, le néon éclaire la pièce comme en plein jour. J'ai demandé si je pouvais éteindre mais apparemment ils dorment comme ça ici. Dhana a étalé une jolie paillasse sur le sol pour que je me joigne à eux, à moitié embarrassée de n'avoir qu'un carrelage éreinté à m'offrir pour la nuit. Pour la rassurer, je lui raconte avoir dormi plusieurs fois sur une dalle en béton et un toit ; pourtant à en juger par la discussion agitée entre elle et son amie plus tôt, dormir par terre dans leur toute petite maison n'avait pas l'air si envisageable que ça pour moi. 
    

   Après une journée sur le toy train Ooty  - Mettupalayam, puis de là-bas un bus jusqu'à Coimbatore, j'apprenai que je n'étais pas à la bonne station pour aller à Munnar. Dans le bus de ville, deux femmes m'expliquèrent qu'à cette heure tardive, je ne trouverais plus de transport, et que je ferais mieux de me trouver une chambre dans un des deux hôtels longeant la gare centrale des bus. Le premier étant complet et le deuxième me fixant un prix défiant alors celui de tous les hôtels jusque-là parcourus dans le pays, je traversai alors la grosse artère embouteillée et me mis à vagabonder dans une ruelle aux allures de village. Au hasard je demandai à une femme si elle n'avait pas connaissance d'un endroit abordable où passer la nuit. "Tamil tamil, no english." Mince, je fis deux ou trois bicoques comme ça et toujours on me faisait comprendre que la langue était un barrage. Tous les enfants du petit village dans la grande ville m'entouraient et poussaient des cris, essayant d'attirer mon attention. J'avançai dans une rue sombre et pourtant chaleureuse de par ses maisons colorées, avec la certitude que ma bonne étoile connaitrait quelqu'un qui toucherait trois mots de ma langue d'empreint. Bingo! On me menait à Dhana qui après trois minutes pour lui expliquer ma situation, m'ouvrait grand sa porte. A peine entrée, une horde de femmes et d'enfants m'entourait. On fit les présentations, pays d'origine toujours en premier, nom, raison et durée de mon voyage, prochain stop, stop précédent, puis séance "selfies" avec les joyeux bambins. 

      
    Dhana me servit ensuite une assiette de riz froid avec un peu de sauce et un oeuf dur. Je mangeais de bon coeur assise et entourée de cette quinzaine de filles et femmes toutes debout, me dévisageant avec curiosité et amusement. On m'amenait ensuite du riz biryani d'une autre maison. J'étais la bienvenue dans le voisinage.    
   
        Crédits photo Claire Noumene


 Je me réveille plusieurs fois dans la nuit, n'ayant pas de repère avec cette lumière toujours présente, Janina étalant ses bras sur moi ou le téléphone de Madhan, le grand frère, se mettant à sonner pour aucune raison. On tient tous les quatre dans la largeur de la maison sans être trop collés. Je regarde les cadres accrochés au mur parmi les nombreux calendriers. Une maman, deux frères et une soeur. Sur une autre photo, il y'a la fratrie. Ah, et sur celle là, un papa qui n'est plus là… 

En l'espace d'une soirée, d'une nuit éclairée, sur un carrelage pas si dur somme toute, une famille me laissait entrevoir son quotidien et en penser ce que je voulais. Les enfants vont à l'école et sont de bons élèves, ils étudient dans cette unique pièce de vie où l'on ne compte plus le passage des voisins et où le bruit de la télé vrombit jusqu'à ce que la série de Dhana touche à sa fin. Jusqu'à ce que je m'endorme, comme si j'étais à la maison, sans pression... Je repense à tous ces lits fatigués sur lesquels j'ai pu dormir en deux mois, et je ne me suis jamais aussi sentie bien qu'ici, à côté de ces trois êtres inanimés, collés tendrement les uns contre les autres dans leur plus simple appareil.


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