21 Janvier 2015 - Aux premiers jours, à l'arrivée, la claque. Le choc. Un tsunami d'émotions incontrôlables me fait perdre pied. Cela fait presque une semaine que je suis dans le Tamil Nadu et mes yeux n'en reviennent toujours pas. Je suis restée paralysée, sans un mot à exprimer sur cette page. Que dire ? Tout d'abord je ne pense pas que mes premières impressions doivent répondre à tous mes questionnements sur le pays et sur les réelles raisons de mon voyage. En fait ici c'est comme ailleurs, même topo. Si t'as pas d'argent, pas de téléphone, pas de moyen de transport, et ben tu ne vas nul part, tu n'as pas d'indépendance. La liberté tu te la paies ou tu la prends aux autres. La structure change à peine. Parfois squatter c'est être le boulet au pied d'un autre. On s'élève en marchant vers sa propre liberté. Encore une fois, que ce soit en France ou en Inde, c'est la même chose. La seule différence est que si j'avais compris cette notion plus tôt, peut-être que je ne serais pas partie et aurais choisi de m'y mettre plus tôt, chez moi et pas à 20 000 km... Ici, j'avance pour voir des choses, manger, dormir, recommencer le lendemain. L'argent a bon dos. A Troyes, je travaille pour manger, dormir, me donner les moyens d'avancer dans ce qu'il me plairait de faire, partager... et produire du concret.
Mahabalipuram vu d'un toit
L'argent devient un moyen béton pour construire l'avenir. Je ne dis pas que mon expérience indienne se base uniquement sur du divertissement pur et dur. J'ai seulement la vague impression d'avoir laissé de côté les réelles motivations qui me poussaient à me bouger avant de quitter mon pays. Voyager pour contempler, pourquoi pas. Maintenant si cela ne mène à rien alors à quoi bon, vraiment? J'ai tout laissé derrière moi et je me rends compte aujourd'hui que je me posais les mauvaises questions ou pire, que j'y avais répondu avant même d'avoir passé la douane française. Suis-je assez téméraire pour vivre tout cela par moi-même? Est-ce que cela vaut la peine de vivre cette grande parenthèse? C'est à moi de reprendre le contrôle, de m'emmener là où j'ai vraiment envie d'aller et d'aborder une nouvelle approche de l'Inde. Ce pays est facile, c'est de supporter ses propres doutes à longueur de journée qui devient fatigant.
26 Janvier 2015 - L'Inde n'est pas ce que j'étais venue y chercher. Des papillons battent des ailes folâtrement dans les hautes herbes qui s'éparpillent ici et là, au milieu des briques de jus aux fruits inconnus, de plastiques volatiles et dégoutants de poussière et de compost étalant à peu près tout ce que les Indiens y laissent lorsque leur repas est concocté et que plus rien ne se récupère... Cocos vides, morceaux et peaux noirâtres de verdure dont je ne sais le nom... C'est vraiment ça l'Inde? Sérieusement, où sont les éléphants ornés de bling bling, les tas d'épices à faire pâlir les plus grands explorateurs de la route des Indes, les lépreux qu'on m'avait prudemment conseillé d'éviter, de fuir comme la peste à dire vrai? J'ai renvoyé au placard mes deux t-shirts sans manches qui faisaient tant fureur, je couvre mes épaules, comme toutes les femmes. Ouf, ces mecs vont me laisser tranquille une bonne fois pour toute. Des téléphones aux allures très smart se braquent sur moi régulièrement, je n'ai d'autre choix que de hausser le ton. "Tu n'as pas à faire ça, ta curiosité n'a pas l'ascendant sur mon droit à l'image petit indien mal élevé!" En rentrant d'un de mes périples journaliers, je m'assoie ou plutôt me vautre dans un canapé style colon qui vient de découvrir l'osier et je sors de mon sac bandoulière kaki les trophées de mon exploration intensive. Cartes de visite pour un restaurant, une guesthouse aussi, map de Pondichery toute déchirée dans les coins, babioles sans prétention, mon appareil photo... Je suis une touriste. Et je ne m'en cache pas puisque tous mes portraits et street photos arborent des dentitions qui en disent long sur l'importance d'être sur le cliché d'une blanche. De toutes les claques que j'ai prise dans la figure, "the winner is... India" !
Crédits photos Claire Noumene
Je commence à retrouver mon aplomb mais les doutes qui squattent ouvertement mon sac à dos ont parfois raison de moi. "Qu'est-ce que je fous là à me dépatouiller dans un pays sans mode d'emploi?" Parce que clairement, le routard n'explique pas ce qu'il faut faire à l'arrivée de bandes de mecs obnubilés par le rose de ma peau qui ne bronze pas. Le routard ne dit pas non plus quoi faire quand toutes les chambres d'hôtels sont complètes pour la nuit et que trop tard, la nuit vient de tomber. Ce guide ne parle même pas de l'utilité d'avoir des réflexes primitifs et des intuitions bien accrochées qui nous font emprunter une rue plutôt qu'une autre ou bien encore éliminer d'office tout sentiment d'insécurité, parce que euh... ben ici c'est safe. Mais moins dans le coin là-bas. Venez sentir les rues qui font la tambouille et qui un peu plus loin crament un tas de poubelles, de débris qui n'auraient de toute façon jamais eu de seconde vie. Admirez la belle eau croupie dans les caniveaux, sentez la puanteur qui s'invite chez vous et persiste même après une douche d'eau non potable... Bienvenue dans un des pays les plus pauvres du monde.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimer